Depuis un arrêté interministériel du 29 octobre 2009, le grand cormoran est inscrit sur une liste d’oiseaux protégés. Un autre arrêté du 26 novembre 2010 prévoit cependant des conditions et des limites dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction pourraient être accordées par les préfets. Les motifs sont précis : prévenir les dommages importants que ces oiseaux causent aux piscicultures, et prévenir les risques que présente la prédation du grand cormoran pour les espèces de poissons protégées en eaux libres.

Sur le fondement de cet arrêté cadre, des arrêtés ministériels millésimés doivent fixer le nombre de tirs autorisés par période de 3 ans.

Or, dans le dernier arrêté du 19 septembre 2022, les ministres de l’Agriculture et de la Transition écologique ont fixé uniquement pour les piscicultures des plafonds départementaux dans les limites desquels des dérogations aux interdictions de destruction pourraient être accordées par les préfets pour la période 2022-2025.

Le refus de reconduire des quotas en eaux libres pour la protection de certains poissons était, selon les ministres, justifié par de nombreuses annulations prononcées par les tribunaux administratifs. Des associations locales de pêche (AAPPMA) du Doubs et de l’Ain et la Fédération nationale de Pêche ont contesté ce refus devant le Conseil d’État.

Le Conseil d’État a pris ainsi l’exact contrepied des tribunaux administratifs.

Après avoir rappelé que le grand cormoran dispose d’un bon état de conservation, le Conseil d’État a souligné que la prédation qu’il occasionnait sur certaines espèces de poissons en mauvais état de conservation était telle qu’elle nécessitait la mise en place de quotas de prélèvements, et ce, même si le grand cormoran n’est pas le facteur principal expliquant ce mauvais état de conservation.

En conséquence, le Conseil d’État a annulé l’arrêté querellé en tant qu’il ne fixait pas de plafonds départementaux de destruction de grands cormorans en eaux libres pour la période 2022-2025. Les ministres sont enjoints de prendre un arrêté modificatif en ce sens dans un délais de quatre mois.

Les précautions prises par le ministère pour prévenir le risque d’annulation des quotas destinées à la protection des espèces de poissons protégées en eaux libres étaient donc infondées.

Le Conseil d’État a pris ainsi l’exact contrepied des tribunaux administratifs.

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